À neuf jours du capital Belgique - Bosnie, Marc Wilmots nous a reçus pour faire le point. Il évoque les raisons de cette campagne mitigée et ses ambitions toujours très hautes pour l’Euro.
Les Diables sont bientôt de retour. Enfin ! Dans neuf jours, ils affronteront la Bosnie dans un match capital dans la course à l’Euro.
À trois jours de l’annonce de sa liste pour ce rendez-vous important, suivi du déplacement à Chypre, Marc Wilmots nous a reçus dans les bureaux de la Fédération pour un entretien qui lui ressemble : direct, franc et sans détour. Le sélectionneur y évoque le potentiel de son équipe, les manquements dont elle a fait preuve dans sa campagne qualificative et ses ambitions, à la fois hautes et prudentes.
Marc Wilmots, vous devez avoir hâte de retrouver vos Diables. Car vous les avez quittés en juin sur une note négative et cette défaite ennuyante au pays de Galles…
"Au pays de Galles, on a fait une erreur. On peut dire qu’on a eu 70 % de possession, mais trois ou quatre de nos joueurs n’étaient pas à niveau. Ce qui est fait est fait, nous avons 11 points sur 18 et maintenant, nous devons regarder vers l’avant : nous avons quatre matches en quatre semaines. On doit se qualifier, point. Dans ces quatre matches à notre portée, si on prend 10 points sur 12, on aura notre billet pour l’ Euro ."
Il faut aller de l’avant, mais il y a quand même des leçons à tirer de cette campagne mitigée. Quelles sont-elles ?
"Il faut d’abord rappeler le contexte : on était 60e mondial il y a trois ans, on est deuxième aujourd’hui. On s’est qualifié brillamment pour le Brésil. Le problème de la campagne actuelle, c’est que nous offrons un peu trop de cadeaux à l’adversaire. Ce match à Cardiff, on l’a donné. Ce qui a changé, c’est qu’on impose notre loi. On joue face à des blocs bas et nous devons donc compter sur des joueurs d’actions. Parfois, on met le premier et ça défile jusqu’à 5-0 et à d’autres, comme à Cardiff, on en prend un et la réussite nous tourne le dos. Parfois, certains contextes sont défavorables : un match en fin de saison, des transferts, des blessures, des mariages,… Quelques jours plus tôt, pourtant, on signait en France l’un de nos matches les plus accomplis…"
Comment explique ce contraste ? N’est-ce pas avant tout une question de motivation ?
"Non. J’aurais eu un problème si certains de mes joueurs n’avaient pas eu l’implication nécessaire, mais je n’ai pas vu cela. Je préfère retenir qu’on est capable de rivaliser avec les grandes nations. Mais je n’irai pas, comme le font les médias, jusqu’à affirmer qu’on doit être champion d’Europe. Je vous rappelle qu’il y a trois ans, on ne touchait pas une quille ! Et là subitement on devrait tout gagner ? Nous mettons la barre haut, mais après…"
Ce sont les joueurs eux-mêmes qui disent viser la finale de l’Euro !
"Mais il se passe tellement de choses dans une compétition comme l’ Euro … J’ai fait quatre grands tournois comme joueur, deux comme consultant et un comme coach. C’est un contexte où tout peut arriver."
Mais avec ses qualités, la Belgique ne peut pas se cacher : où situez-vous le niveau de votre équipe par rapport aux autres grandes nations ?
"Dans notre phase actuelle, nous pouvons nous comparer à l’Espagne ou à la France, mais il faut nuancer. Parce que ces nations-là, comme l’Italie, ont des championnats costauds où ils peuvent aller piocher des joueurs. L’Espagne, par exemple, a quatre joueurs à chaque poste avec la même qualité ! Nous n’avons pas ce luxe. Si on affronte les Espagnols dix fois, ce sera peut-être 6-4 ou 4-6... seulement si on les joue avec notre équipe complète. En France, ils ont quatre backs droits et quatre à gauche ! Nous, nous avons dû les former ! Jan et Toby ont fait cet effort pour l’équipe nationale. L’avantage, désormais, c’est que tout le monde connaît son rôle. On travaille bien. Continuons de la sorte et on verra où ça nous mène…"
Le sélectionneur donne des précisions sur son avenir à la tête des Diables.
Quand il dresse le bilan et ses perspectives, Marc Wilmots est plutôt satisfait. Et la conversation tourne rapidement autour de son avenir. Forcément, car c’est un sujet qui n’est jamais loin.
"Si on reste dans le Top 10 pendant six ans, c’est qu’on aura fait du bon travail. On voit aussi que le football belge est davantage respecté. Avec un tel classement mondial, on vient chercher des joueurs dans notre championnat, les clubs peuvent demander plus et les agents ne vont pas s’en plaindre. Les droits télé ont explosé, les Diables font vendre. On n’a donc qu’une seule envie : continuer ensemble. Voilà pourquoi j’ai dit que je resterai jusqu’en 2016. Je veux tirer les U21 et les U19 dans le même sillage pour laisser quelque chose après moi. C’est ce qui s’appelle préparer l’avenir."
Vous parlez de 2016, mais vous êtes sous contrat jusqu’en 2018 !
"Depuis ma prolongation, je n’ai jamais caché qu’il y avait une clause dans mon contrat qui me rend libre de faire ce que je veux. Où est le problème ?"
N’est-ce pas une manière de dire à la Fédération : préparez l’après-Euro sans moi…
"Non. L’Union belge ne sera pas prise au dépourvue. Qu’est-ce qui s’est passé au printemps dernier ? Schalke m’a contacté, j’ai été honnête et je l’ai dit publiquement. J’ai ensuite attendu l’après-match de Cardiff pour en reparler."
Entre-temps, le manager de Schalke vous a pigeonné…
"Je ne dirais pas ça comme ça. Mais cela montre que j’ai raison de ne pas être allé à Schalke. J’ai juste écouté l’offre, par politesse, puis j’ai vite pris ma décision. Cela ne m’a pas perturbé, ni mon groupe. Je connais mes joueurs : on bosse bien ensemble, mais ils font leur vie de leur côté."
Que se passera-t-il si une nouvelle offre arrive demain sur votre table ?
"Un pays ou un club peut mettre dix millions d’euros sur la table demain, ce sera non. Je ne discuterai même pas. Je ne peux pas être plus clair que ça. J’ai juste écouté Schalke parce que c’était un club de cœur."
Qu’avez-vous dit à la Fédération sur votre avenir ? Êtes-vous sur la même longueur d’ondes ?
"Les dirigeants comptent sur moi jusqu’en 2018 et moi aussi. Mais j’ai cette clause dans mon contrat. J’aime être libre. Donc je ne vais pas dire aujourd’hui : je serai là jusqu’en 2018 pour ensuite revenir sur ma parole. Sinon, j’aurais l’air con. Je veux être juste et clair envers les supporters."
Aviez-vous déjà reçu de grosses offres avant le Brésil ?
"Évidemment. Les autres ne sont pas aveugles, ils voient bien le travail qu’on réalise ici…"
"Les Diables ne coûtent pas cher, ils rapportent même beaucoup !"
Wilmots évoque ses relations avec la Fédération et sa vision des Espoirs.
Pourquoi avez-vous voulu qu’Enzo Scifo entraîne les Espoirs ?
"En fait, je voulais l’avoir il y a un an pour les U17. Avec Steven Martens, on se disait qu’il aurait été bien de réunir toutes les têtes pensantes autour des jeunes : Walem, Verheyen, Scifo, Borkelmans et moi. Après le départ de Steven, on n’a plus eu de budget pour Enzo, resté en stand-by. Suite au départ surprise de Johan Walem, j’ai pensé qu’Enzo était le candidat idéal, pour diverses raisons. Il a de l’expérience, il ne cherchera pas à partir ailleurs, il va mettre une énergie énorme dans son boulot et il a vécu une bonne partie de sa vie à l’étranger. C’est important, car nous avons de plus en plus de jeunes expatriés. Il fera évoluer les Espoirs comme on évolue en équipe A, avec un système précis. Il recevra d’ailleurs le contenu de mes séances de théorie."
Pourquoi la nomination d’Enzo a-t-elle tant traîné ?
"Il fallait attendre le vote. Le débat de sa maîtrise du néerlandais a été lancé par une seule personne. C’était une fausse polémique et aujourd’hui, je suis ravi pour Enzo. Pourtant, si une personne pensait qu’il aurait du mal à retrouver du travail, c’est moi. On a toujours été mis en conflit, on ne s’était pas vu depuis quinze ans. Mais je pense qu’à ce moment-ci, c’était la meilleure personne pour s’occuper des Espoirs."
Fin juillet, vous avez lancé dans les médias un appel à plus d’unité à la Fédération. Avez-vous été entendu ?
"Oui, on a bien avancé. Avant, chacun empruntait son propre chemin et c’était compliqué de travailler de la sorte. Il n’y avait plus de ligne directrice. Ici, on s’est remis autour de la table avec le département communication et le marketing. Je n’ai pourtant pas toujours été en faveur de nos projets de communication. Comme les défis des Diables. Ou le documentaire : je pensais, au départ, que c’était un peu exagéré. Mais ils avaient raison. Cela a aidé à faire revenir les gens au stade. Quand on travaille ensemble, on peut faire de très bonnes choses."
Les dépenses des Diables ont été critiquées…
"Pourtant je peux vous dire que les Diables ne coûtent pas cher ! Ils ont même rapporté beaucoup d’argent. Mais ce n’est pas à moi de savoir où va l’argent ensuite. Il y a eu des erreurs, à nous d’en tirer des leçons. Les stages, on les a toujours payés avec les matches, comme aux États-Unis et en Suède. Nous logeons à Bruxelles dans un hôtel quatre étoiles : je ne pense pas que c’est exagéré. Jamais nous n’avons dépassé nos budgets."
Même celles des scouts ? Des notes de frais assez élevées ont été dévoilées dans la presse…
"Avant même cette affaire, on a demandé à pouvoir réserver des tickets nous-mêmes, pour avoir le prix le plus bas possible. Je suis un fils de fermier : je n’aime pas jeter l’argent par les fenêtres. Je préfère les réinvestir pour les jeunes."
Marc Wilmots retrouvera ses Diables le lundi 31 août… soit le dernier jour du mercato !
"J’ai déjà prévu de ne pas aller dormir avant 1h30 du matin ! Je suis pratiquement certain que l’un ou l’autre dossier va se clôturer dans les dernières minutes…"
Mais lequel ? Le Diable dont on parle le plus, c’est évidemment Kevin De Bruyne.
"Ce n’est pas à moi d’en parler avec Kevin", commente le sélectionneur. "Il a des offres, c’est normal de les étudier. À l’époque, quand je suis parti à Schalke, tout le monde m’a dit de ne pas y aller parce que c’était un club inconstant. Mais j’ai suivi mon cœur. Que Kevin fasse la même chose. Qu’il regarde d’abord le sportif et ensuite le financier, pour se mettre à l’abri. Et s’il obtient un transfert et qu’il joue, je serai le plus heureux pour lui."
Axel Witsel est un autre Diable susceptible de s’en aller, mais son club demande beaucoup d’argent.
"Je pense qu’Axel a fait le tour au Zenit et il pense la même chose. Mais dans un transfert, il y a trois ou quatre parties et il a encore deux ans de contrat ! S’il doit rester en Russie, ce ne sera pas une catastrophe. Il joue, ce qui n’est déjà pas si mal…"
"Kompany est déjà énorme !"
Verra-t-on contre la Bosnie l’axe rêvé par le sélectionneur, avec Kompany et Vermaelen ? C’est devenu possible. "La saison dernière, Vincent n’était pas en pleine possession de ses moyens, mais comme c’est un compétiteur, il forçait les choses. Maintenant, il est revenu à un énorme niveau sur le plan physique. Je l’ai rencontré à Manchester avant le début de championnat et il était très affûté, avec une énorme envie. Il a de grandes ambitions avec l’équipe nationale et va prouver pourquoi il est l’un des meilleurs défenseurs du monde. Quant à Thomas, il est la preuve que tout peut aller très vite : Piqué a été suspendu, Bartra s’est blessé et boum! Thomas a très bien saisi sa chance."
"Defour est moyen"
En juin dernier, Steven Defour n’avait pas été repris. "Je n’ai pas discuté avec lui", précise Wilmots. "Son niveau ? Anderlecht est moyen pour l’instant, lui aussi. Mais la saison commence, ne tirons pas trop de conclusions. Je constate quand même qu’avant, il jouait 70 minutes par match. Désormais, il en joue 90 chaque semaine."
"Benteke ? De Westerlo à Anderlecht"
Christian Benteke a décroché cet été un transfert de rêve à Liverpool. "Maintenant, Christian va jouer dans un club qui fait le jeu et qui doit gagner chaque dimanche. À Aston Villa, son équipe reculait beaucoup. C’est comme s’il venait de passer de Westerlo à Anderlecht ! Je sais qu’il a les qualités pour jouer dans les deux systèmes, dans la profondeur ou avec des gens d’action autour de lui."
"Il n’y a pas plus facile que Vanden Borre !"
"C’est dommage pour Anderlecht et pour lui. J’ai eu Anthony plusieurs fois et je n’ai jamais eu un problème avec lui. Je ne peux parler que de mon expérience : plus facile que ça, il n’y a pas ! Jamais un retard, jamais un souci. Il répondait présent et faisait de bons matches. Je suis donc étonné. C’est regrettable qu’on en soit arrivé à un tel déballage. Je perds un joueur et ça ne m’arrange pas."
"Je ne vais pas oublier Divock: on va l’aider"
Origi, en manque de temps de jeu à Liverpool, sera-t-il repris? Wilmots ne dévoile rien, mais veut le soutenir: "Je ne vais pas oublier Divock. On doit même l’aider. On sait ce qu’il peut nous apporter: il peut jouer dos au but, il a la capacité d’éliminer un homme, peut accélérer et possède le sens du but..."
Même question pour Batshuayi, qui, avant son doublé de dimanche, connaissait un début de saison délicat avec l’OM. "Je suis allé à Reims - Marseille: il a connu une partie difficile, mais j’ai vu pourquoi ça n’allait pas. Ses qualités, je les connais! Je reste positif."
"On suit aussi De Laet et Cavanda"
Vanden Borre hors course, qui deviendra la doublure d’Alderweireld ? "On a continué à suivre De Laet à Leicester. On suit énormément de joueurs. On piste aussi Cavanda, qui est parti à Besiktas et qui fait aussi de très bons matches. C’est faux de prétendre qu’il n’est pas repris à cause des incidents survenus alors en Espoirs. Mais à la Lazio, il ne jouait pas."
Autres pistes : Dedryck Boyata ou Laurent Ciman, qui s’est dit disponible. "Le niveau de la MLS est comparable à celui de notre Pro League , peut-être même un peu meilleur. Lolo est un vrai pro. Il a l’avantage d’être polyvalent : s’il manque un peu de gabarit, il a de la vitesse et peut donc jouer aux quatre places derrière. L’un de ses derniers matches avec Montréal, il a même joué back gauche."
(Source DH