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En France, les Diables ont pris les montagnes russes et ont fini par se prendre une grosse douche froide dans la rivière sauvage galloise. Récit en cinq épisodes d’un tournoi raté dont la préparation donnait déjà beaucoup d’indices.
Le 28 mai en fin d’après-midi sous la chaleur accablante de Genève, Kevin De Bruyne envoie une frappe splendide dans la lucarne du gardien suisse Sommer. Les Diables remportent leur premier match de préparation au petit trot face à un autre qualifié pour l’Euro. On osait encore croire qu’ils n’avaient juste pas envie de se fatiguer et de se blesser pour le grand rendez-vous. On ne pouvait pas croire que ce moment serait le reflet de ce qu’on verrait quelques semaines plus tard en France.
Le premier juillet en fin de soirée à Lille, on repense à cette journée au pied des Alpes suisses. Finalement, rien n’avait évolué. Les individualités ont permis à notre équipe nationale d’atteindre les quarts de finale mais quand les collectifs adverses étaient trop bien huilés, elles glissaient et tombaient dans le ravin. En cinq épisodes, récit d’une chute de très haut qui fera mal longtemps.
1) Ce tournoi sera celui de l’attaque ou ne sera pas
Au Brésil, la Belgique se basait sur sa défense en béton pour avoir de grandes ambitions. En France, il faudra plutôt miser sur l’attaque vu tous nos soucis derrière. De la défense-type du Mondial, il ne reste que les backs dont un qui doit revenir dans l’axe pour dépanner. Heureusement, nos stars offensives sont devenues encore plus fortes avec deux saisons de plus dans les bagages. Cette fois, on va assurer le spectacle.
Bien conscient de soucis défensifs, Wilmots modifie son système :
les arrières latéraux, bridés dans le passé, peuvent monter car les deux médians défensifs seront là pour compenser. C’est le plan A du coach fédéral. L’unique plan travaillé à l’entraînement au Haillan, près de Bordeaux : contourner les blocs qui nous attendent par les côtés. Les Italiens peuvent venir.
2) Braquage à l’italienne dans la banlieue lyonnaise
Les Italiens avaient la pire génération depuis trente ans. Les Belges la meilleure de leur histoire. Sur le billard de Lyon, on était confiant. Nonante minutes plus tard, la défense confirmera ses lacunes et, pire encore, l’attaque ne fera rien de bon. C’est le stress : nous voilà déjà dos au mur dans cette poule piégeuse.
Retour au Haillan. Wilmots enchaîne les points presse quotidiens et appuie toujours sur le même clou. A coup de "Le match aurait pu tourner autrement" et de "Les Italiens ont une très bonne équipe". On se remet à y croire. On voit (quand ce n’est pas à huis clos) que les Diables s’entraînent bien. Allez, rien n’est joué finalement.
3) Je t’aime un peu, beaucoup, à la folie…
Et un, et deux et trois zéro à Bordeaux. On se balade dans les plaines irlandaises avec un doublé de Lukaku qui fait taire les critiques du premier match. Les Diables ne sont pas contents qu’on souligne la faiblesse irlandaise et répètent qu’ils n’ont pas peur de Zlatan. On commence à regarder le tableau des huitièmes de finale. L’Italie est déjà loin.
Direction Nice pour affronter la Suède sous le soleil. Il n’a plus fait aussi chaud depuis la Suisse et c’est une autre frappe lointaine qui va nous sauver en fin de match. Nainggolan reprend le rôle de De Bruyne. Nous voilà en huitièmes et Zlatan en maison de repos. On en oublie presque que, durant quelques secondes, on était virtuellement éliminé après le but irlandais face aux Italiens. Le lendemain, toute la Belgique se marre. Les Italiens rejoignent toutes les grandes nations historiques du foot européen dans une partie de tableau folle pendant que nos Diables se retrouvent de l’autre côté, celui des outsiders. Personne ne peut nous faire peur.
4) Obsession finale pour Wilmots qui jubile
Cela commence par la Hongrie qui a l’honneur de recevoir virtuellement dans le Stadium de Toulouse grâce à son statut de vainqueur de groupe. C’est en bleu ciel qu’on réalise le carton du tournoi : 4-0. Enfin, 0-4. Hazard éclabousse le match de sa classe et notre défense enchaîne une troisième clean sheet. Bon, Vermaelen sera suspendu mais la confiance est au top avant les quarts de finale.
De retour au Haillan, les Belges jubilent et Wilmots triomphe. "Je n’ai qu’une obsession : la finale", lâche le coach fédéral. Les quelques journalistes flamands ouvertement anti-Wilmots commencent même à faire machine arrière dans leurs longues analyses. Les Diables sont forts et le sélectionneur est même parvenu à nous donner une identité de jeu. Wilmots se délecte et lâche quelques piques à ses ennemis en conférence de presse par quelques vannes sur ses prétendus manquements tactiques.
5) On rentre en quart. Rendez-vous le 6 septembre
À Lille, devenue enclave belge durant 48 heures, les Diables vont se farcir les Gallois, la seule équipe qui a vraiment causé du souci depuis l’Argentine de Messi. Bah, ce sera l’occasion de prendre une revanche en plus d’aller défier le Portugal de Ronaldo en demi. Le premier quart d’heure renforce cet excès de confiance. Les Belges dominent des Gallois qui se demandent déjà s’ils ne vont pas faire pire que les Hongrois face à cette armada bleue (encore une fois). Nainggolan ouvre le bal d’une nouvelle frappe à la De Bruyne.
Puis, tout s’écroule. Les Gallois nous enfoncent et les Diables paniquent. Wilmots fait de grands gestes pour faire remonter son sacro-saint bloc. En vain. Sa tête quand il rentre au vestiaire à la mi-temps fait peur. On n’a pas l’impression qu’il a une solution dans les tiroirs. C’était oublié le couteau suisse qu’il a toujours sur lui : Fellaini débarque pour régler le trafic aérien et retrouver la maîtrise au milieu.
C’est finalement encore pire : on est battu logiquement. Bale n’a même pas besoin de sortir le grand jeu, laissant le premier rôle au Gunner Ramsey. Courtois entre dans une colère noire et démolit une gourde. La mort dans l’âme, les Diables vont quand même saluer les 12.000 supporters qui applaudissent. Comme au Brésil, tout s’arrête en quart.
En zone d’interview, beaucoup de Diables se cachent derrière un téléphone ou un casque, pensant peut-être que les journalistes ne les verront pas. Certains ont compris que la tactique de l’autruche ne fonctionne pas et assument. Le ton est bas et le teint livide. Le même que celui qu’ils afficheront à Zaventem le lendemain en rentrant après un court crochet par Bordeaux où Wilmots annule le dernier point de presse prévu.
On ne reverra les Diables que le 6 septembre à Chypre. Il risque d’y faire aussi chaud qu’à Genève le 28 mai dernier. Marc Wilmots sera-t-il encore sur la touche pour mouiller sa chemise blanche en attendant un éclair de génie ?
(Source DH)