La tendance du moment veut que Depoitre soit titulaire en Andorre dans le match qui doit envoyer les Diables à l’ Euro.
Marc Wilmots a beau avoir utilisé toutes les précautions oratoires à sa disposition, lâchant même qu’il dévoilerait sa composition d’équipe dès vendredi, ce qui est une entorse à ses habitudes, le faisceau d’indices concorde et permet de dégager une tendance : les chances de voir Laurent Depoitre débuter en pointe en Andorre sont grandes.
Que le Gantois ait disputé toute l’opposition avec les titulaires supposés en marquant l’unique but de la séance va dans ce sens. Comme l’air quelque peu résigné que Romelu Lukaku a trimballé en conférence de presse.
"Il faut demander à l’entraîneur, il ne m’a rien dit en tout cas", a éludé l’attaquant. "Je m’entraîne, je fais le maximum sur le terrain. Je n’avais pas fait attention au début, mais c’est vrai que faire le 11 contre 11 avec De Bruyne et Hazard derrière soi, c’est agréable."
La personnalité du joueur lui interdit de s’enflammer mais pas de se retourner sur son ascension météorique.
"Être champion était déjà magnifique, mais la sélection, c’est ce qu’il y a de plus beau. C’est la plus belle chose qui me soit arrivée dans ma carrière. Je regardais le Mondial sur la Grand-Place de Tournai, j’étais un supporter comme les autres, un peu maquillé. Si on m’avait dit qu’un peu plus d’un an plus tard, je jouerais avec eux, je ne l’aurais pas cru, c’est sûr. J’étais encore loin de pouvoir y penser, personne n’y pensait non plus. Être ici me surprend moi-même. Tout a été très vite depuis quelques années. J’espère que ce n’est pas un aboutissement mais le début de quelque chose. J’ai aussi chaque fois réussi à m’adapter à un nouveau niveau."
Que ce soit en D3, en D2, en D1 puis en Ligue des Champions, la manière avec laquelle l’attaquant a su hisser son niveau de jeu reste un modèle du genre.
"C’est vrai que les matches de Ligue des Champions nous ont permis de nous montrer sur la scène européenne et de montrer qu’on avait le niveau aussi pour des matches plus importants que le championnat, cela a joué", avoue le joueur dont l’adaptation en dehors du terrain est forcément facilitée par la présence de ses coéquipiers en clubs Matz Sels et Sven Kums.
"Les autres, ce sont des joueurs que je voyais à la télé comme tout le monde. Je ne les connaissais pas personnellement, mais ils sont très agréables, accueillants. Axel, Eden, Kevin, on peut parler avec eux sans problème. Après, sur le terrain, cela va plus vite, il faut s’adapter, mais je suis confiant."
Parce que, dans un sens, son profil de point d’appui répond aussi à la problématique que les Diables vont devoir résoudre ce samedi face à une équipe qui sera regroupée dans sa moitié de terrain.
"Mon jeu dos au but peut être un atout. Avec Gand, on a aussi l’habitude de jouer très haut contre des équipes qui sont basses. Mais on verra si j’ai l’occasion d’avoir du temps de jeu", répète-t-il.
Si le sélectionneur lui a fait savoir qu’il appréciait "qu’il garde bien le ballon, ma disponibilité pour les autres et ma façon de faire jouer le collectif", Depoitre a aussi rappelé que "Lukaku était là depuis plus longtemps".
"Il a déjà ses marques. Il a sûrement plus de crédit pour l’instant que moi qui suis nouveau et qui amène de la concurrence." Et même un peu plus…
"Il était obligé de rester baissé dans le vestiaire à Péruwelz"
Il y a quatre ans, Laurent Depoitre ne se préparait pas à jouer un match international avec la troisième meilleure nation du monde. Il y a quatre ans, il portait les couleurs d’Alost en troisième division et ses concurrents se nommaient Olsa Brakel, Tamise ou encore KFC Izegem. "Et pourtant, il n’a pas tellement changé", explique Pedrag Filipovic, qui a été son équipier à Alost durant ces années, entre 2009 et 2012. "Il fatiguait déjà les défenseurs adverses et les autres pouvaient en profiter. Je n’avais jamais vu un attaquant aussi généreux. Et je n’en verrai plus jamais d’autres comme lui."
Un témoignage que Giovanni Seynhaeve, équipier entre 2007 et 2009 avec Depoitre à Péruwelz (bien avant la fusion avec Mouscron), approuve totalement. "On était plusieurs anciens pros avec Laurent Wuillot et Eric Joly et on se disait que ce jeune gars avait vraiment de l’avenir. Je ne suis donc pas trop surpris de le voir à haut niveau. Mais pour tout vous dire, je pensais qu’il allait arrêter le football très jeune pour se consacrer à son boulot d’ingénieur. Comme quoi, on peut se tromper." (rires)
Les études ont longtemps été la priorité dans la vie de Laurent Depoitre, retardant son éclosion chez les pros. "C’était un vrai étudiant d’ unif ", se marre Filipovic. "Il est arrivé certaines fois à Alost qu’il arrive juste une demi-heure avant le coup d’envoi, sans avoir dormi. Et on sentait tout de suite quand il entrait dans le vestiaire qu’il n’avait pas bu que du coca… Mais une fois sur la pelouse, il se donnait à 100 %. Même quand on allait jouer sur le mauvais terrain de Torhout, il se battait comme un fou."
Les conditions de travail parfois étonnantes dans les divisions inférieures n’ont jamais effrayé le buteur gantois. "Il valait mieux quand tu jouais à Péruwelz à cette époque", reprend Seynhaeve. "Le plafond du vestiaire était très bas. Avec son mètre nonante, Laurent ne pouvait pas se mettre debout complètement. Il est toujours un peu baissé. Et on s’entraînait sur un terrain annexe où on était tous persuadé que les dirigeants du club venaient de chasser les vaches une demi-heure avant pour la séance." (rires)
Ses six années passées en D2 et D3 ont façonné ce joueur spécial et ont fait de lui ce néo-international. "Mais ça ne l’a pas changé", précise Seynhaeve. "Laurent ne se la pète pas du tout. Je l’ai recroisé sur le plateau d’une chaîne de télé locale et c’est toujours le même mec qui aime rigoler. Il mérite tout ce qui lui arrive."
Neuf (!) autres Diables ont joué en D2
Si Laurent Depoitre a joué longtemps dans les séries inférieures, il est loin d’être le seul chez les Diables à avoir connu la deuxième division. Sur les vingt-quatre joueurs repris par Wilmots cette semaine, dix, dont Depoitre, n’ont pas joué que parmi l’élite durant leur carrière professionnelle.
En Belgique, Simon Mignolet (une saison avec Saint-Trond), Sven Kums (six mois avec Courtrai après avoir quitté Anderlecht définitivement) et Thomas Meunier (deux saisons à Virton) ont joué dans notre D2. Dries Mertens a même joué en troisième division avec Alost.
En Italie, Jean-François Gillet a connu la Serie B avec Monza, Bari, Trévise et Catane. Radja Nainggolan a aussi connu cette division avec Piacenza, tout comme Luis Pedro Cavanda prêté par la Lazio au Torino puis à Bari avant son explosion au plus haut niveau.
Aux Pays-Bas, Dries Mertens et Nacer Chadli ont joué à AGOVV, notamment sous les ordres de John van den Brom. Enfin, Zakaria Bakkali a disputé une rencontre en D2 avec l’équipe B du PSV la saison dernière.
(Source DH)